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L’ILLUSTRE MAURIN

Battras-tu encore ton chien, bête brute ? En as-tu assez, batteur de chien ?

Quand il le lâcha, l’homme, ivre de fureur, revint encore sur Maurin, un couteau ouvert à la main. Alors Maurin, du poing, lui ensanglanta la figure et lui dit :

— As-tu ton compte ?… Tiens, reprends ton fusil.

« Décharge-le d’abord, Pastouré, et confisque ses cartouches, qu’il nous assassinerait !

Le battu se le tint pour dit cette fois et s’éloigna ; mais, à la mairie voisine, il porta contre Maurin une plainte en règle. Coups et blessures, vol de cartouches et vol de chien ! car le chien du chasseur avait refusé de le suivre et obstinément, malgré les ordres réitérés de Maurin et de Pastouré, il s’attachait à leurs talons, suppliant qu’on le gardât. C’est d’une si douce voix que ses deux amis lui disaient : « Allons, va-t’en, mon brave ; suis ton maître, mon bon chien ! » tandis qu’à l’ordinaire son maître l’appelait d’un ton qui le faisait fuir.

— Pas moins, dit Pastouré, nous y voilà retombés, dans leurs satanés procès-verbaux !

— Aussi, répliquait Maurin, fallait-il laisser battre ce brave animal ?

— Non, pour sûr ! dit Pastouré ; mais n’empêche qu’il eût mieux valu ne rencontrer ni lui ni son maître.

Ils devisaient ainsi lorsque, au beau milieu de la plaine, ils aperçurent un autre chasseur assez semblable au premier et qui se trouvait être un riche marchand de porcs, venu de Nice pour chasser la bécassine. Cet homme, son fusil entre les jambes, portant sur le flanc un carnier neuf orné d’un filet à franges, était assis sur un tronc d’arbre abattu et de minute en