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mystère : l’ambition caressée par cet imbécile de se voir élevé, un jour, à la dignité d’officier d’académie !!! »

Il emprunte aux persécutés-persécuteurs, cette idée de diviser le genre humain en deux classes, en deux groupes bien distincts : le groupe ami, exclusivement préoccupé de lui faire obtenir les palmes ; le groupe adverse, tout au souci de discréditer ses mérites et de compromettre ainsi ses chances à la distinction flatteuse qu’il convoite. »

Pour obtenir cette récompense, il travaillait, bûchait, abattait de l’ouvrage comme pas un ; l’obsession de son rêve ayant empiété jusque sur ses veilles il en était arrivé à fournir des dix et onze heures de présence où les autres en fournissaient quatre. Plus de congé, plus de vacances, plus de dimanches ; « le petit boiteux fut venu à claquer qu’il l’eût fait mettre en terre à l’aube, de façon à pouvoir, encore, être au travail avant tout le monde. »

Naturellement, tous ses collègues, du directeur au concierge, exploitaient ce délire vaniteux, tout le monde en profitait. À la fin, il eut sa récompense. Prié de choisir entre une augmentation de 200 frcs, en un temps où il avait de gros besoins d’argent, et les palmes, sans hésitation comme sans remords, il choisit ces dernières, ce pendant que sa femme, devant le vide sinistre du buffet, disait : « Quand on pense que, depuis sept ans, on ne l’a pas augmenté d’un sou !… Deux cents francs, seulement, mon Dieu !… une augmentation de deux cents francs, et ce serait le loyer payé… »


VIII. Idées délirantes des prisonniers ; confusion mentale.


Dans l’observation suivante, Courteline nous décrit une évasion de Latude[1], personnage historique qui fut détenu en prison pen-

  1. G. Courteline : Une Évasion de Latude (L’Esprit Français).