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fonctions ; le lendemain, il en demande dix-neuf, tout cela dans une ville qui contient à peine trois mille âmes. Il dresse un procès-verbal contre l’épicier Nivoire, inculpé du double délit d’insulte à la maréchaussée et d’affichage séditieux, pour avoir apposé « à la devanture de son établissement une pancarte portant, en lettres conséquentes d’une hauteur de 20 à 22 centimètres, une inscription de nature à jeter la déconsidération sur l’arme à laquelle j’appartiens : Avis à la population ! Occasion exceptionnelle ! Gendarmes à deux pour trois sous ! » Le gendarme, en langage populaire, c’est le hareng saur. Labourbourax le sait, mais le prétexte est bon et il ne le laisse pas échapper… Autre exemple : le menuisier Lacausade invite Labourbourax et un de ses camarades à constater un délit ! « Vous pouvez constater que cette vieille refuse de m’ouvrir la porte ; vous pouvez le constater vous-mêmes ; puis (c’est Labourbourax qui parle) d’une voix où le mépris le disputait à l’arrogance, il nous jeta ce mot « de visu », voulant exprimer par là, non seulement que mon collègue et moi étions « des visus » — ce qui n’était pas vrai —, mais encore que nous en étions de l’espèce la plus inférieure, relégués au plus bas degré de l’échelle sociale »… Le commissaire lui explique le sens de « visu », de gendarme dans le langage populaire, mais Labourbourax est entêté dans sa susceptibilité, et il sort en disant : « Il est tout de même dur à mon âge, de m’entendre traiter de visu par un particulier qui l’est peut-être plus que moi »…

Il nous reste à voir le persécuteur par plaisir, par jalousie, le persécuteur imbécile et haineux, et le portrait que Courteline nous en donne, va nous faire comprendre de suite le personnage.

Flick[1] adjudant dans les chasseurs, « était une brute dans l’acception et toute l’infamie du mot, une brute lâche, idiote et féroce, mettant ses joies et ses ambitions de chaque jour à compter

  1. G. Courteline : Les Gaietés de l’Escadron :.... Le Train de 8 heures 47