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harangue la compagnie : « Eh bien ! parfaitement, je suis gris ! je suis gris comme trente-six lanciers polonais… et si vous n’êtes pas satisfaits, vous pouvez aller vous baigner !!! ». Irrité du calme d’un vieillard que ses plaisanteries n’ont pu dérider, il l’insulte : « C’est comme ce vieil imbécile !… C’est comme ce vieil imbécile ! … », mais il ne peut terminer sa phrase.

Là finit l’observation de La Brige. Elle dépeint surtout la première phase de l’ivresse. Dans la suivante, nous voyons apparaître l’incoordination des mouvements, un embarras plus prononcé de la parole, les illusions et les autres troubles de la deuxième phase.

Théodore[1] « est un collégien de dix-sept à dix-huit ans, au visage blême de crétin éreinté… qui n’a pas même trouvé moyen de décrocher un accessit à la distribution des prix au lycée St-Louis » ; il arrive chez son père, à trois heures du matin, « soûl comme une bourrique » et c’est la cinquième fois que cela se répète depuis le commencement des vacances. Il a diné en ville avec des camarades, puis est allé à Montmartre, et enfin a terminé la soirée dans un café, comme il le dit lui-même : « Nous étions soûls comme des ânes ; il est donc hors de discussion que nous n’avons pas hésité à nous faire conduire au café. Il faudrait être fou furieux ou bien ignorant de l’âme des hommes pour ne pas se rendre à une évidence fille d’une déduction logique. » Au café, il rencontre un ancien consul de Mésopotamie qui, monté sur une table, « imite la danse mauresque en faisant remuer ses intestins » ; il lui envoie en plein visage un verre de vin, mais comme tous deux sont ivres au même point, cela n’a aucune importance et n’altère en rien leurs relatons. Un vieux monsieur inoffensif, dont la binette ne lui revient pas, reçoit de lui une paire de gifles.

  1. G. Courteline : Théodore cherche des allumettes.