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XCVIII.


Ce n’est pas un dessein formé à mon plaisir,
Je n’ay pris pour mon blanc de tirer à l’utile,
Le visage riant du doux & du facile
N’a incliné mon cœur ni mon ame à choisir,

Je n’ay point marchandé au gage du plaisir ;
Nature de sa main, de son art, de son stile
A escript sur mon front l’amour du difficile.
Tire au ciel mes pensers contents du seul desir,

Clair astre qui si haut m’esleves & m’incline,
Que je meure aux rayons de ta beauté divine,
Pareil au beau Clitye amoureux du soleil,

Qui seche en le suivant, & ne pouvant plus vivre,
Ne regrette en mourant & en fermant son œil
Que de ne plus languir, l'adorer & le suivre.


XCIX.

Soupirs espars, sangloti en l'air perdus,
Tesmoins piteux des douleurs de ma genne,
Regretz trenchantz avortez de ma peine,
Et vous, mes yeux, en mes larmes fondus,

Desirs tremblantz, mes pensers esperdus,
Plaisirs trompez d’une esperance vaine,
Tous les tressaulz qu’à ma mort inhumaine
Mes sens lassez à la fin ont renduz,

Cieux qui sonnez apprés moy mes compleintes,
Mille langueurs de mille mortz esteinctes,
Faites sentir à Diane le tort

Qu’elle me tient, de son heur ennemie,
Quand elle cerche en ma perte sa vie
Et que je trouve en sa beauté la mort !