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LXXVIII.

Soubz un œil languissant & pleurant à demy,
Soubz un humble maintien, soubz une douce face,
Tu cache un faux regard, un esclair de menace,
Un port enorgueilly, un visage ennemi ;

Tu as de la douceur, mais il y a parmy,
Les six parts de poison, dessoubz ta bonne grace
Un desdain outrageux à tous coups trouve place ;
Tu aymes l’adversaire & tu hais ton amy,

Tu fais de l’asseuree & tu vis d’inconstance ;
Ton ris sent le despit : somme la contenance
Est semblable à la mer qui cache tout ainsi

Soubz un marbre riant les escueils, le desastre,
Les ventz, les flotz, les mortz : ainsi fait la marastre
Qui desguise de miel l’aconite noircy.


LXXIX.

Je ne m’estonne pas si du ciel adultère
L’impudique Venus conçeut furtivement
Le bourreau, des humains l’ingenieux tourment,
Et des espritz bien nez le venimeux cautere.

Amour, je croys qu’allors que ton malheureux pere
Fust au lict de Vulcan, c’estoit signallement
Au jour que du deluge il fit cruellement
Estrangler par Thetis Cybelle nostre mère ;

Le Saturne ennemy qui dominoit le jour
De ton enfantement tel ascendant amour
Fust le signe des pleurs, dont la terre regorge ;

Mais pourquoy justement ne permit le destin
Que le deluge ait peu, de ce filz de putain
Coupper les coups, les jours, la naissance & la gorge ?