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XL.

Vos yeux ont honoré d’une celeste veuë
Mon labeur guerdonné des peines de vos yeux,
Vous avez coloré d’un clin d’œil gracieux
Mon papier blemissant du jour de vostre nuë.

Le laboureux trainant le soc de la charrue,
Importuné des ventz & d’un temps pluvieux
Est ainsi soulagé, quand le soleil des cieux
Luy rayonne le chef, saillant à l’impourveuë.

J’ay plus vostre renom que mes peines chanté,
Et quoyque repoussé, affligé, maltraicté,
Si est-ce que pourtant mon stile ne se change.

Ne mesprisez les vers qui vous ont en tel prix,
Et lisez de bon cœur mes cris & mes escripts,
Et vous lirez mes maux avec vostre louange.


XLI.

L’Hyver à la teste grisonne
Gagea que le ciel luy donnoit
Une blancheur qu’il oseroit
Monstrer pour braver ma mignonne :

Le ciel force neige luy donne ;
Le vieillard qui par là pensoit
Avoir gaigné, me demandoit
Le prix que sa victoire ordonne :

« Nous allons guetter au matin
Ma belle qui, au blanc satin,
Faisoit honte aux lys, & aux fleurs. »

Le vieillard se dédit & tremble
Voyant le lustre, & les couleurs
De ma mie & la neige ensemble.