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XXXVIII.

N’a doncques peu l'amour d’une mignarde rage,
D’un malheur bien heureux, d’un malheureux bonheur
Combatre vostre ennuy, & mesler la couleur
D’un œillet sur le lys de vostre blanc visage.

C’est à ceste blancheur que l’amour fait hommage,
C’est l’honneur de vos yeux, c’est encor l’autre honneur
Qui rid en vostre front, mais c’est plus tost malheur
Qu’un bon heur, car un bien ne peut faire dommage ;

Diane, je sçay bien : vous estes de bon or,
Mais il est blemissant, pour ce qu’il n’a encor
Prins couleur aux chaleurs d’une ardente fournaize ;

Ayez pitié de vous, & comme peu à peu
La flamme roussist l’or, l’amour soit vostre feu
Et que je soy’ l’orphevre, & l’hymen soit la braize.


XXXIX.

Va-t-’en dans le sein de ma mye,
Sonnet plus mignon, plus heureux
Que ton maistre, & que l’amoureux
Qui aimant, bruslant, ne s’ennuye.

Tu vas, je ne t’en porte envie,
Estre devoré de ses yeux,
Avoir un accueil gracieux
Et je ne la voy’ qu’ennemie :

Elle t’ayme & elle est si belle !
Ne devien’ pas amoureux d’elle,
Ce papier ne peut faire ennuy,

Mais pour le lieu où on le porte,
Je voudroy’ faire en quelque sorte
Un change de moy & de luy.