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XVI.

Quand je voy’ ce chasteau dedans lequel abonde
Le plaisir, le repos, & le contentement,
Si superbe, si fort, commandé fierement
D’un marbre cannelé, & de mainte tour ronde,

Je vironne à l’entour. & en faisant la ronde
J’oppose à mon plaisir, le dangier, le torment,
Et contre tout cela l'Amour fait vaillamment
Vaincre par les desirs toutes les peurs du monde :

L’Amour commande là, qui d’un traict rigoureux
Perce les conquerans, meurtrit les amoureux.
Le fier me refusa, quand de sa garnison

Je demandoy’ un jour la paye vive ou morte,
Je veux à coup perdu me jetter dans la porte
Pour y avoir logis, pour le moins, en prison.


XVII.

Somme c’est un chasteau basti de diamans,
Couvert de lames d’or richement apurees
Où les trois Graces sont fierement emmurees,
Se servantz des hauts Cieux & des quatre elementz.

Nature y mit son tout, sa richesse & son sens,
Pour prouver ses grandeurs estre démesurees,
Elle enferma dehors les ames enferrees,
L’ardeur & les desirs des malheureux amantz.

Que me sert donc cest or & cest azur tant riche,
Ceste grandeur qui n’est plus royale que chiche
De donner à ses coups le beaume de ma vie ?

Thresor inaccessible, helas, j’aimeroy’ mieux
Que moins foible, moins beau, & moins proche des Cieux
Tu fusses beaucoup moindre, & moins mon ennemye !