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XII.

Souhaitte qui voudra la mort inopinee
D’un plomb meurtrier & prompt au hazard envoyé,
D’un coutelas bouchier, d’un boulet foudroyé,
Crever poudreux, sanglant, au champ d’une journee ;

Souhaitte qui voudra une mort entournee
De medecins, de pleurs, & un lict coutoyé
D’heritiers, de criards, puis estre convoyé
De cent torches en feu à la fosse ordonnee ;

Je ne veux pour la solde estre au champ terrassé,
On est aujourd’huy trop mal récompensé :
Je trouve l’autre mort longue, bigotte & folle ;

Quoy donc ? bruslé d’amour que Diane en douleurs
Serre ma triste cendre infuse dans ses pleurs
Puis au sein d’Artemise un tombeau de Mausole.


XIII.

Diane, aucunes fois la raison me visite
Et veut venir loger en sa place, au cerveau.
Mais elle est estrangere, & un hoste nouveau
Qui ne la cognoist point, la chasse & met en fuitte,

II gaigne mes desirs, les agace & despite,
Encontre ma raison, & bravant de plus beau
Mes pensers subornez, il arme d’un monceau
De fleches & de feux qu’ilz portent à sa fuitte.

Ha desirz esgarez ! ah esclaves d’amour !
Ha ! mes traistres pensers ! vous maudirez le jour
Que l'amour vous arma pour combattre le droict.

La Royne naturelle est tousjours la plus forte :
« Point, ce dirent ces fols, le plus fort nous emporte,
L'amour surmonte tout, qui luy resisteroit ? »