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202 LE PRIMTEMS DU SIEUR D'AUBIGNE.
- Encor espouvanté
- L’œil que tu as surpreins d’une si douce guere
- Voyt les lignes & traits d’un visage gasté,
- Et bien qu’il n’y paroist que les os & la fièvre
- II y voit ta beauté.
- Car de toy le plus beau
- Est vif & ne pouvoit se perdre avecq’ la vie,
- Ton bel œil en la mort est encor un flambeau :
- Mon ame en te suyvant se plaist ensevelye
- Dans le poudreux tombeau.
- Mon ame en te suyvant se plaist ensevelye
- Ayes de moy pitié.
- Doux esprit de doux corps, si l'amoureuse flame
- Est vive aprés la mort en ta chere moytié :
- Tu voy entre les os & les cendres mon ame
- Animer l'amytié.
- Vien ma bouche arouzer
- Tout en feu ,de desirs, de soupirs asechee,
- Bouche qui de baisers souloit apreivoizer
- Mes amours voletanz, & leur donner bechee
- Au moins d’un froid baiser.
- En vain des mains je veux
- Prendre ce vent leger, cest ombre & ce nuage :
- Ame fuyarde, tourne encore ces beaux yeux,
- Tourne à mes cris piteux l'oreille & le visage,
- Pour entendre ces voeuz.
- Tourne à mes cris piteux l'oreille & le visage,
- J’aracheray mon oeil
- S’il voyt une beauté, mon coeur s’il la defire,
- Je banys mon esprit s’il veut quitter le dueil,
- Mon ame, si mon ame un seul soupir souspire
- En baizant le cercueil.