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ODES 151.

Que je baigne mes amours
Dans les ruisseaux de mes pleurs !

Ceux qui lassez de souffrir

Et lassez d’une beauté
Se veullent faire mourir
D’un courroux ensanglanté,

Ceux là n’ont jamais aimé

Les maux & la passion,
Ilz ont le doux estimé
Et fuy l'affliction.

Car qui ayme pour joir

D’un heureux contentement,
II n’aime que son plaisir
Et ne fuit que son tourment.

De soupirs & de douleurs

L’amour nous esmeut le flanc,
L'amour s’abreuve de pleurs
Et soulle sa faim de sang,

Celuy qui aime le doux

Et craint de gouster l'amer
Et qui meurt pour un courroux,
Comment pourroit-il aimer ?

Celuy là ayme le mieux

Qui vit afin d’endurer,
Sans esperance de mieux,
Espérant sans esperer.

O amans ! fouz d’estimer

Mourans pouvoir trouver mieux,
Si vous souffrez pour aimer,
Que peut la mort sur les Dieux ?

Jamais l'amour ne perist,

Et nostre malheur est tel
Que l'amour loge en l’esprit.
Et l'esprit est immortel.