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ODES 143.

Ce n’est pas la rude escorce

Qui tient les trons verdissans :
Les meilleurs, non plus puissans,
Ont plus de vie & de force,
Tesmoin le chaste laurier
Qui seul en ce temps verdoie
Et n’a pas esté la proie
D’un yver fascheux & fier.

Quant aussi je considere

Un jardin veuf de ses fleurs,
Où sont ses belles couleurs
Qui y florissoient naguère,
Où si bien estoient choisis
Les bouquets de fleurs my escloses,
Où sont ses vermeilles rozes
Et ses oillets cramoisis ?

J’ai bien veu qu’aux fleurs nouvelles,

Quant la rose ouvre son sein,
Le barbot le plus villain
Ne ronge que les plus belles :
N’ay je pas veu ses teins vers,
La fleur de meilleure eslitte,
Le lys & la margueritte,
Se ronger de mille vers ?

Mais du myrrhe verd la feuille

Vit tousjours & ne luy chault
De vent, de froit, ny de chault,
De ver barbot, ny abeille :
Tousjours on le peut cuillir
Au printemps de sa jeunesse,
Ou quant l'yver qui le laisse
Fait les autres envieillir.

Entre un milion de perles

Dont les carquans sont bornez