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Est plus tard à brusler, & le bois qui recelle
Plus du simple en son cors plus aisement appelle
A deceler son feu un autre feu vaincueur,
Et des quatre elemens la ligue la plus forte
Aux pareils conquerans ouvre aisement la porte.
L’esprit est plus parfait, l’origine celeste
Ne le reduit aux loix d’humeur ni d’elemens ;
Hors le bon & mauvais tous autres sentimens
Sentans l’organe aymé s’acommodent au reste.
Pore avait refusé les viandes des Cieux
A ceste mandiante & chetive personne :
Il se derobbe aprés & luy mesme se donne.
Quant le sommeil pesant lui eut fermé les yeux,
Il falut qu’il dormist pour recebvoir Pœnie :
L’ame dedaygne ung cors quant elle est endormie.
La femme de qui naist le propre d’entreprendre
Le regime du monde & d’entrer au conseil,
Endort l’esprit de l’homme aux raions de son œil.
Sa beauté sont les fleurs qui le viennent surprendre ;
L’homme est fait amoureux & par l’oysiveté
Il s’acommode aux meurs de la femelle aymee.
Comme l’ame se voit par le cors transformee
Espouser son humeur, vouloir sa volonté,
Les esprits sont heureux qui ont cors debonnaire,
Les amans malheureux qui ont l’ame contraire.
L’esprit qui a un cors vif, subtil & ignee,
Qui sent le moins la terre & qui est moins pesant,
Sent cest organe beau, agreable & plaisant,
Et jamais de ces deux l’amour n’est terminee.
Mais l’esprit qui se loge en un cors froid & lent
N’aime qu’avec longtemps sa nature perverse.
Il le presse au premier, puis l’aime en la vieillesse,
Et l’amour d’entr’eux deux n’est jamais viollent
Que lorsqu’avec le temps ceste masse enterree