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Du cors & de l’esprit, c’est lui tout seul qui peult
Unir deux autres cors en un seul, quant il veult,
Lorsque des deux espritz il tire sa naissance.
Par l’homme & son esprit Pore est représenté
Où l’amour a premier sa naissance & sa vie,
Puis l’ame de la femme est la pauvre Penie
Qui surprend nostre esprit yvre d’une beauté :
C’est le troisieme sens, & l’amour corporelle
En cela suit les loix de la spirituelle.
Nostre ame ne sauroit au cors donner la vie
Quant il est colleric, & son sang escumeux
Bouillonne, se dissipe & destourbe fumeux
L’esprit doux & qui n’est d’une telle armonie ;
L’esprit audacieux, entreprenant & vif,
Travaillant sans repos, bouillant en toute sorte,
Rend bien tost l’union, le cors, l’amitié morte,
Possedant un organe inutille & chetif.
Par la diverse humeur l’ame est donc departie,
Et les amours humains naissent de simpatye.
C’est pourquoy chacun peut aymer pour se complaire,
Mais c’est diversement, car les cors composez
Par les quatre elemens sont aussi disposez
A les recepvoir tous en leur forme ordinaire :
Mais si les qualitez ne sont pareillement
Parties dans les cors, aussi ne peuvent elles
Prendre en eux leurs vertus esgallement pareilles,
Car l’un reçoit le feu ou l’air plus aisement,
Et chasque cors meslé, exposé au pillage,
Reçoit le mieux celuy dont il a daventage.
Comme aux troubles confus d’une guerre civille,
Un fort qui sera plain de quatre factions,
Si deux tiers complotans ont mesmes passions
Ils livrent aisement à l’estranger la ville :
Ainsi la pierre où moins le feu a de vigueur