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rentré dans le néant. Elles ferment une seconde fois les yeux à l’évidence. Les faits les plus significatifs, dans cet ordre de choses, n’obtiennent pas d’elles un moment d’examen.

Je pourrais vous signaler un nombre considérable de ces faits qui tendent à prouver l’action continue de l’idée socialiste et ses conquêtes latentes sur l’esprit de ses adversaires. Je me borne à un seul ; le plus récent. Bien que personne n’y ait trouvé matière à réflexion, il me frappe plus que tous les autres et je vous en fais juge. En cela, comme en beaucoup de points, je me flatte que nous tomberons aisément d’accord, non seulement quant à l’importance du fait en lui-même, mais surtout quant aux conséquences qu’il est rationnel d’en faire ressortir.

Vous n’ignorez pas que, au lendemain des journées de juin, le chef du pouvoir exécutif, alarmé des ravages de l’esprit de secte qui, bien plus que l’esprit de parti, plus même que la misère, avait soulevé la population fanatisée, s’adressa à l’Académie des sciences morales et politiques pour lui demander de contrebalancer l’effet désastreux des prédications communistes et athéïstes par des publications à l’usage du peuple, où seraient exposées et développées les saines doctrines religieuses et morales.

On reconnaît dans cette démarche le sens hiérarchique, l’amour de la règle et de la discipline qui caractérisent l’esprit militaire et, en particulier, la personne pleine de droiture du général Cavaignac.

Comprenant que la vraie politique et la vraie morale commandent impérieusement désormais l’enseignement des classes laborieuses trop longtemps négligé, le président du conseil a recours au pouvoir qu’il trouve constitué, au pouvoir représentatif des sciences morales et politiques afin que celui-ci ait au plus vite à y pourvoir. L’Académie répond en se mettant immédiatement à l’œuvre.

À tout seigneur, tout honneur. C’est le plus illustre des académiciens, le chef de l’école philosophique, c’est M. Victor Cousin qui ouvre la série des publications projetées, par la réimpression d’un chef-d’œuvre du dix-huitième siècle qu’il fait précéder d’une préface où, dans son beau langage platonicien, il expose le plan général de l’Académie et le motif particulier qui détermine son premier choix.