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Si M. Louis Blanc a mieux résisté que M. Pierre Leroux à l’épreuve de la tribune, cela tient à une pratique plus exercée de l’improvisation et à une verve naturelle mieux secondée par l’art. Cela tient aussi, chose singulière, à l’autorité qu’il sait prendre, malgré sa taille et sa physionomie juvéniles. L’éclair de son grand œil noir, les lignes fermes de son visage, son croisement de bras expressif, décèlent chez lui une force de volonté peu commune et qui s’impose. Sans cette autorité en quelque sorte extérieure, je doute que M. Louis Blanc parvint à captiver long-temps l’attention, car la passion qui brille dans son regard n’anime point sa parole. Il a beau la renfler, il a beau accentuer d’un geste violent ses périodes sonores, le froid glacial d’une creuse rhétorique vous saisit bientôt. On regarde, mais on n’écoute plus. Le cœur reste fermé à cette déclamation monotone au fond de laquelle ni l’idée, ni le sentiment ne palpitent.

Malgré l’éclat de sa réputation et la part active qu’il a prise dans le gouvernement, M. Louis Blanc, de même que M. Pierre Leroux, s’efface de jour en jour, et la curiosité publique se tourne tout entière vers une individualité bien autrement originale, saisissante et hardie, qui, dans l’opinion du vulgaire, personnifie à cette heure le socialisme en France. Est-il besoin de nommer M. Proudhon ?

Le socialisme, il est vrai, proteste contre une telle assimilation et repousse un si dangereux auxiliaire. Par le vote du 31 juillet, il s’est violemment séparé, et renouvelle chaque jour, par tous ses organes, de la manière la plus formelle, son acte de divorce ; mais le public n’en persiste pas moins à confondre dans une même réprobation des systèmes et des personnes hostiles.

Quant à M. Proudhon, approbation ou improbation, protestation ou concours, succès ou échec, semblent également