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te justice des monologues trop prolongés et se refuse opiniâtrement à entreprendre des éducations tribunitiennes.

Un très petit nombre d’orateurs a pu triompher de ces dispositions peu patientes. Je ne vous parlerai que pour mémoire de ceux dont la réputation était faite avant la révolution de Février. Ceux-la n’ont ni gagné ni perdu à paraître devant une Assemblée nouvelle. L’éloquence majestueuse de M. de Lamartine avait atteint dans les dernières années de la monarchie une élévation qu’il n’était guère possible de dépasser. Aucun succès ne pourra faire oublier à M. de Montalembert les transports que son tableau des scélératesses du radicalisme excitait, le 15 janvier dernier, dans la Chambre des pairs. En montant à la tribune de l’Assemblée élective, M. Hugo a pu voir sur tous les visages cette expression de condescendance un peu railleuse que la Chambre haute affectait pour ses antithèses romantiques et pour ses poses sacerdotales. Chacun semblait encore lui dire avec le chœur des Nuées : « Et toi, pontife des niaiseries les plus subtiles, dis-nous ce que tu veux. » MM. Berryer, Crémieux, Marie, en disant, à peu de mots près, les choses accoutumées, ont éveillé les mêmes échos. Quant à M. Barrot, lorsque, pour la première fois depuis le 22 février, où il déposait sur le bureau de M. Sauzet l’acte d’accusation de M. Guizot, il a reparu devant une assemblée législative, il a retrouvé dans tous les cœurs la même estime pour son honnête personne et la même disposition à prendre au sérieux, chez lui, ce qui chez tout autre semblerait risible : l’emphase de la légalité, la monotonie de l’indignation, la consciencieuse solennité d’une importance qui s’abuse.

Deux hommes seulement, parmi ceux que l’on connaissait, semblent avoir grandi dans les dernières luttes parlementaires : M. Ledru-Rollin et M. Thiers.