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confondu avec eux par la représentation publique, d’intrigues indignes de vous et de coupables menées. Ils vous façonneraient insensiblement à ce pitoyable personnage de prétendant, qui n’a plus de nos jours qu’une grandeur de parade. Non, non, prince, n’écoutez pas ces dangereux amis ! Étudiez, réfléchissez, méditez en vous-même les causes évidentes et les effets certains de l’action providentielle qui vient de se manifester avec tant d’éclat. Vous comprendrez que le mouvement rapide qui nous emporte tous à cette heure n’a rien de fortuit ni d’imprévu même

Soyez attentif à ce travail de dissolution et de recomposition qui déconcerte les esprits superficiels ou sceptiques ; vous reconnaîtrez que le principe monarchique et le principe aristocratique, épuisés, incapables de plus rien produire, s’agitent dans les dernières convulsions de la vie qui les abandonne. L’élément démocratique surgit de toutes parts ; à l’énergie organique qui réside en lui appartiendra de transformer le monde.

Qu’auriez-vous à faire dans cette lutte du passé contre l’avenir ? Condamnerez-vous votre jeunesse à servir la cause des vieillards et des impotens ? Subirez-vous volontairement le supplice des faux prophètes du Dante, qui marchent pesamment, lentement, sur l’arène poudreuse, le visage tourné vers les talons ?

Ah ! plutôt, croyez-moi, mettez la main sur votre cœur, et vous entendrez dans ses battements pressés une réponse énergique à cette sagesse sénile qui voudrait faire de vous un anachronisme vivant :

Laissez les morts ensevelir leurs morts !

Mais sachez aussi vous défendre de ces espérances chimériques que je vois à regret percer sous le voile de vos résignations. Si modeste que vous le supposiez, il n’est point aujourd’hui, pour vous, de rôle en France. Le cours régulier de nos destinées est trop entravé encore. L’intelligence du travail qui s’opère parmi nous n’est donnée qu’à un trop petit nombre d’hommes. Le peuple suit son instinct ; les riches consultent leurs intérêts ; les partis se cramponnent à leurs préjugés.