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l’ordre matériel rétabli vous faisait croire un seul instant l’harmonie morale fondée ! Sans doute, la discipline admirable de notre brave armée, la vigilance de la garde nationale, le prodigieux courage des enfans de la garde mobile, l’empressement fraternel des populations armées de ma province à voler au secours de Paris, vous assurent désormais un concours efficace si vous deviez avoir encore à réprimer l’émeute. Mais réprimer n’est pas gouverner ; vous le pensiez du moins, sous la dynastie. Gouverner, ce n’est pas non plus éluder les difficultés du moment par des expédiens dilatoires, composer, à force d’intrigues, des ministères de compromis, flatter tour à tour les partis, les tenir en échec les uns par les autres ; tout cela n’est qu’habileté subalterne, négative, indigne de vous, indigne de la nation qui vous a élus. Le gouvernement d’un peuple suppose, chez ceux qui se chargent de le conduire, la connaissance parfaite du génie qui lui est propre. Il implique, en outre, la conscience très nette de l’œuvre civilisatrice imposée, par la Providence, à la génération présente ; autrement dit, le discernement des forces vives existantes dans la nation et la claire vue du but vers lequel il importe de les faire converger.

Ne laisser ni s’user ni s’alanguir aucune de ces forces ; écarter d’une main ferme les obstacles qui les entravent ; rassembler, relier entre elles celles qui s’agitent éparses et inutiles ; susciter celles qui s’ignorent, ramener celles qui dévient ou s’égarent ; obtenir enfin que dans l’État, comme dans la nature, tout conspire à une fin commune, tout concoure à une grande et belle harmonie, c’est le devoir d’un bon gouvernement. C’est aussi, je n’en fais nul doute, votre vœu le plus cher ; mais jamais, peut-être, l’accomplissement de ce devoir et l’exaucement de ce vœu n’ont paru plus difficiles et plus éloignés.

Nous sommes arrivés à une de ces époques critiques, révolutionnaires, où les forces de dissolution sont plus actives et plus apparentes que les forces de recomposition. Justement affligés, alarmés des maux sans nombre que cause le