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gueurs nécessaires et légitimes, tu presseras sur ton sein leurs fils innocens. Tu étoufferas dans tes embrassemens sacrés le ferment des discordes ; tu tariras par de nouveaux bienfaits, par l’ardeur ravivée de ton amour, la source empoisonnée des haines et des ressentimens ! Ô ma vaillante et douce patrie, ô mon pays sauvé, combien nous allons redoubler pour toi de respect et d’amour !

Je ne tenterai point un récit impossible et navrant. Rien ne saurait donner l’idée des proportions gigantesques et du caractère sinistre de la lutte à peine terminée. Les chefs des révoltés, restés dans l’ombre, dirigeaient d’une main ferme et sûre des mouvemens combinés avec une habileté consommée. Jamais, à aucune époque, dans aucune de ses insurrections les plus formidables, Paris n’avait vu un tel ensemble de dispositions, un tel concert de volontés. Jamais l’anarchie ne s’était montrée si ordonnée. Pas un cri, pas une tentative imprudente, qui pût trahir le dessein secret. Tout était contenu, réfléchi, persévérant. L’assurance du succès retenait les plus exaltés et redoublait le courage par la discipline.

Sur les barricades élevées avec autant de célérité que de science, reliées entre elles par un système stratégique digne d’admiration s’il n’eût servi une telle violation des lois, des femmes et des enfans debout, agitant des drapeaux, bravaient la mort et excitaient de leurs cris la rébellion. Les maisons qu’occupaient les insurgés vomissaient, par des ouvertures inaccessibles au feu du dehors, des balles qui frappaient à coup sûr et venaient atteindre au cœur les chefs des assaillans. Des mains invisibles lançaient des pavés, des projectiles de toutes sortes… sur qui, hélas ? Sur des concitoyens, sur des frères, sur ces enfans de la révolution de Février avec lesquels on avait combattu à d’autres barricades, sur des hommes qui mouraient au cri de : « Vive la République ! »

Qui donc a dénaturé ainsi le génie français ? Comment s’est pervertie si vite toute une fraction de cette population géné-