Page:Agoult - Lettres républicaines.djvu/32

Cette page a été validée par deux contributeurs.

naissance, et pour tenter, par toutes sortes de moyens, de reprendre la couronne[1] ?

On allègue, je le sais, pour excuser cette élection anormale, le mécontentement du peuple qui, sans trop s’inquiéter des conséquences, veut fronder le pouvoir et faire de l’opposition à tout prix. Mais, grand Dieu ! que cette opposition est aveugle et va contre le but ! Les fautes de ceux qui nous gouvernent sont nombreuses, qui le nie ? Le manque d’accord entre des hommes que la violence des évènemens, plutôt que la force des sympathies, a poussés les uns vers les autres, se trahit presqu’à chaque heure par la vacillité des résolutions, le recours aux expédiens dilatoires, les brusques rétractations, les alternatives de témérités et de défaillances ; rien de moins contestable. Mais est-ce un moyen bien efficace d’arriver plus de concert entre le Peuple, l’Assemblée nationale et le pouvoir exécutif, que de venir jeter à la traverse d’une situation très complexe un embarras de plus ? Je ne le pense pas.

« Patience et longueur de temps
Font plus que force ni que rage. »

Et qu’est-ce donc, je vous prie, que trois mois dans l’histoire d’une révolution ? Un moment insaisissable, une demi-page à peine. Le règne qui vient de finir en est la preuve. Combien d’années ne lui a-t-il pas fallu pour donner l’autorité aux hommes, la discipline aux partis, la confiance à l’Europe ? Sachons donc aussi retenir nos impatiences, et surtout ne procurons pas aux ennemis de la République la joie de nous voir si étourdiment tomber dans les piéges qu’ils nous tendent. Cette joie éclatait, depuis quelques jours, sur

  1. Proclamation du prince Louis Bonaparte. Voir le Moniteur du 28 septembre 1840 et des jours suivans.