çais. Le peuple, en France, ne l’oublions pas, est éminemment doué du sens plastique ; il veut personnifier, nommer ses amours et ses haines ; il aime dans son gouvernement la spontanéité, la décision. Il respectera dans une assemblée législative la sauvegarde des libertés qui lui sont chères plus que la vie ; mais il ne voudra pas, son bon sens y répugne, que les mêmes hommes aient tout à la fois mission de délibérer et d’agir, de contrôler et d’exécuter.
On convient, il est vrai, que c’est une minorité, et même une minorité dont on semble faire assez peu de cas, puisqu’on la traite de folle et de somnambule[1], qui repousse l’idée de la présidence ; mais l’on ajoute : « La sagesse de la majorité consisterait, non à repousser hors de ses rangs et à abandonner la minorité à son propre désespoir, mais à l’entraîner doucement, fût-elle folle, fût-elle somnambule, parce que l’unanimité est le seul gouvernement possible dans l’idéal. »
Si l’on entend par là que les minorités ne doivent jamais être opprimées, c’est-à-dire qu’elles doivent, par une liberté entière de discussion, pouvoir toujours agir sur l’opinion et se transformer à leur tour en majorités, rien de plus incontestable. Ces métamorphoses, rapides ou lentes, de l’esprit public, sont l’essence même des sociétés républicaines ; mais si l’on conseille d’attendre, pour gouverner les affaires, cette unanimité idéale, peu conciliable, hélas ! avec l’imperfection humaine, et dont je ne vois le règne établi nulle part ailleurs que chez les habitans d’Icarie ; si l’on sous-entend qu’il serait bon de remettre provisoirement la conduite du pays à une minorité de somnambules, je confesse n’y plus rien comprendre. C’est là une politique de magnétiseur ; il y
- ↑ Lettre au citoyen Lamennais, par George Sand.