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blée de neuf cents membres ; l’égalité ne cessera-t-elle pas brusquement au neuf cent-et-unième, et les trente-quatre millions de Français qui n’auront point de part à cet honneur souverain ne devront-ils pas se trouver lésés dans leurs droits, blessés dans leur sentiment ? Nous touchons du doigt l’absurde.

Examinons maintenant ce qu’il y a de fondé dans la crainte d’une dictature.

Sans nul doute, il est dans la nature de l’homme, même de l’homme de bien, dégagé de toute ambition personnelle, de vouloir la plus grande autorité possible pour faire prévaloir ses idées et les mettre en pratique. On a remarqué aussi que l’exercice du pouvoir, si légitime qu’il fût, altérait, en se perpétuant, les âmes les meilleures, et qu’une pente invincible entraînait vers l’arbitraire tout homme investi d’un commandement trop prolongé sur ses semblables.

Mais les conditions auxquelles doit être remis dans les républiques modernes l’exercice de la souveraineté, sont de telle sorte qu’il devient impossible à la défiance la plus inquiète d’en concevoir le moindre ombrage. Quand je relis le projet soumis par vous à l’opinion publique, j’y vois que le président est élu par le peuple tout entier pour trois années seulement ; qu’il ne peut être réélu qu’après l’intervalle d’une session au moins ; qu’il réside auprès de l’Assemblée nationale ; qu’il ne peut avoir de commandement militaire pendant la durée de ses fonctions ; qu’enfin, en cas de forfaiture, il peut être mis en accusation par l’Assemblée nationale, et qu’il sera jugé par la haute cour de justice.

Or, je demande de quelle manière, dans un aussi court espace de temps, sans aucune de ces influences que donnent le libre maniement des deniers publics, la conduite des armées, la captation des majorités devenue impossible dans une assemblée qui repousse de son sein les fonctionnaires ; je prie qu’on me dise comment, par quel moyen surhumain, en