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« Nul homme qui combat au service de Dieu ne s’embarrasse des affaires du monde, » dit l’apôtre.

Béranger, non plus, n’a point voulu rester où l’envoyait la confiance du peuple. Avec la bonhomie maligne de son esprit gaulois, il s’est récusé, n’ayant pas fait, disait-il, des études spéciales suffisantes. L’ironie allait à l’adresse des quatre cinquièmes de l’Assemblée ; mais la suscription était écrite en caractères si fins que peu de gens l’ont su lire.

Plus intrépide au combat, mieux exercé à surmonter ses répugnances, plus croyant dans l’efficace de la volonté. Lamennais paraît chaque jour à son poste, sacrifiant au devoir sa santé, son repos, le commerce des douces amitiés, et ces grands travaux philosophiques, ces entretiens avec Dieu, qui l’ont consolé de tant d’injustices. Son front sillonné, son visage amaigri, l’éclair qui jaillit de ses creux orbites, et jusqu’au rire un peu convulsif de sa lèvre attristée, tout en lui révèle la lutte et le déchirement. On sent là comme un immense tremblement d’âme, d’où, se frayant passage à travers les ruines amoncelées, la vérité a jailli et s’est répandue en torrens de feu. J’aurai à vous entretenir, dans une lettre prochaine, du plan de constitution qu’il vient de faire connaître. Je n’en veux point parler en courant. Tout l’avenir de la liberté est contenu en germes dans ces pages sublimes.

Retournons au passé.

Voici, sur les bancs de la droite, MM. Berryer, Larochejaquelein, Falloux, Vogué, le parti légitimiste dans toutes ses variétés, selon toutes ses formules, les dévots, les indévots, les résignés, les téméraires, les républicains même, il y en a : Paris vaut bien une Marseillaise.

Ce groupe souriant, dédaigneux, ayant l’air de se demander pardon à soi-même de fréquenter si mauvaise compagnie, c’est ce qui fut la Gauche dans l’ancienne Chambre. Son chef honoraire est toujours là, M. Barrot, qui veut et ne veut pas, qui n’avoue ni ne désavoue la dynastie. La politique de ce parti, politique niaise et quintessenciée tout ensemble, n’a pas changé dans la traversée orageuse de la monarchie à la République. À cela près d’un léger mal de mer, on ne voit pas que les dynastiques aient trop souffert de la bourrasque. Tels ils étaient, tels ils sont, tels ils resteront dans les siècles des siècles. Ces amans platoniques de