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s’il se peut, ce merveilleux empire qu’elles exerçaient sur l’opinion, cet ascendant qu’elles devaient à leur prudence dans le conseil, à leur hardiesse devant le péril. Emparons-nous, par une douce violence, de ce ministère de paix qui intervenait si heureusement dans les guerres civiles de nos ancêtres, jugeait les différends, désarmait les vengeances. Plus que jamais une telle intervention devient nécessaire. Il est bien temps de jeter des semences de paix sur une terre humide de sang. L’œuvre de notre génération est trop vaste d’ailleurs pour qu’une moitié du genre humain l’accomplisse ; il y faut le concours des deux sexes. Au génie masculin la solution des problèmes scientifiques, l’organisation de la liberté et de l’égalité sociales. Au génie féminin le travail divin du cœur, la conciliation des classes devenues hostiles, les haines mutuelles adoucies, les injustices réparées, la fraternité enfin prêchée de bouche et d’exemple dans le constat et irrésistible apostolat de la mère, de l’épouse, de la fille, de la sœur.

Ce fut l’œuvre des femmes chrétiennes dans le duel immense du monde romain et du monde barbare, une nouvelle barbarie menace aujourd’hui de nous envahir ; c’est, après la lutte prolongée pendant laquelle les sciences, les arts, les lettres, qui déjà pâlissent, achèveraient de s’éteindre, celle qui résulterait du triomphe absolu, dans l’un ou l’autre camp, des passions déchaînées, de l’assouvissement des vengeances, de la loi impie du talion, du règne de la force matérielle. Filles de la Gaule, filles du christianisme, il est temps, il est plus que temps de conjurer un tel péril. Il est temps de quitter nos préjugés, nos superstitions, nos mollesses ; de bannir de nos lèvres ces paroles, railleuses des grandes idées par lesquelles trop souvent nous outrageons ce que nous ne savons pas comprendre. Il est temps de rectifier nos vertus, d’étendre nos dévoûmens, de chérir à la patrie, d’aimer l’humanité. Coupables, dans cette universelle décadence des grandeurs morales, d’insouciance et de frivolité, réparons au plus vite le mal que nous avons