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ce. J’ai raconté ailleurs[1] comment la loyauté un peu timide des États-Généraux s’était vue jouée, outragée par un monarque de caractère provocant et d’esprit versatile ; comment ces conflits et ces malentendus entre les constitutionnels et le roi avaient jeté le pays dans la crise révolutionnaire. Aujourd’hui, Frédéric-Guillaume a irréparablement compromis sa cause. Le dernier prestige qu’il tenait de son rang et des espérances données dans sa jeunesse s’est évanoui. Méprisé par le peuple, brouillé avec le Parlement, irrité de plus en plus et poussé aux mesures extrêmes par le prince royal et sa cour, il ne peut plus compter que sur les coups d’État et l’armée. Or, chacun sait ce qu’il faut attendre des coups d’État d’un prince faible, et pour qui connaît l’organisation de l’armée prussienne, il est aisé de prévoir qu’on ne parviendra pas longtemps à séparer la cause du soldat de la cause populaire. Ajoutez à ces fermens de révolution politique un communisme invétéré dans la classe ouvrière fanatisée par l’esprit des sectes ultra-protestantes ; l’exaspération des paysans contre les châteaux dans toutes les provinces où les droits féodaux sont encore en vigueur ; les préjugés de la noblesse, les colères de la bourgeoisie, et vous jugerez si une conciliation est encore imaginable, s’il est d’autre perspective prochaine pour le royaume de Prusse qu’une interminable anarchie.

Quant à l’Autriche, le travail de dissolution est si avancé et si apparent qu’il n’est pas besoin d’y insister. Aucune puissance humaine ne peut plus rétablir l’unité artificielle des Lombards, des Slaves, des Magyars et des Germains. On affirme qu’en désespoir de cause, les politiques Autrichiens voudraient créer à Prague un empire slave au profit de ce chétif empereur dont le front déprimé ne peut porter

  1. Histoire des États-Généraux de Prusse, Revue indépendante des 25 avril, 10 juin et 25 juillet 1847.