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satisfactions que lui donnait le général Cavaignac. Elle en vint à ne lui tenir compte ni de l’état de siège, ni de la transportation, ni de la suspension des journaux, ni du camp dans Paris, ni de la fermeture des clubs, ni de la paix maintenue avec l’étranger ; en voyant arriver au ministère MM. Dufaure et Vivien, elle ne dit point encore : Assez ! Il lui faut davantage ; nous allons voir tout à l’heure ce qu’il lui faut.

D’un autre côté, et avec plus de raison, les républicains s’indignaient de la surabondance des mesures préventives et répressives, et de l’esprit exclusivement militaire dont s’inspirait le nouveau Gouvernement. Injustice des deux parts, mais criante surtout de la part des passionnés de l’ordre, qui ne tarderont pas à regretter, dans l’inconnu où leur impatience va peut-être nous jeter, un pouvoir dont les intentions étaient loyales, l’administration intègre, les fautes réparables, et dont les vues, étroites sans doute, mais fixées à un but honnête, donnaient le temps au pays de s’accoutumer à la forme républicaine, à la pratique de ses nouveaux droits, à la stabilité enfin dont nous avons si totalement perdu le sentiment.

Prétendre davantage dans la confusion d’idées où nous sommes est démence ; une démence plus grande encore serait d’attendre quoi que ce soit de l’avènement au pouvoir de M. Louis Bonaparte.

Personnellement inconnu à la France, je me trompe, connu par deux aventures ridicules auxquelles le bon sens populaire a laissé le nom d’échauffourées de Strasbourg et de Boulogne, le neveu de l’empereur semble se faire un titre suprême de cette absence de titres sérieux à la confiance publique. Ses partisans, jugeant avec justesse qu’ils ne parviendraient pas à déguiser une nullité avérée depuis vingt ans et qui d’ailleurs se trahit au premier coup d’œil dans les traits effacés, le geste incertain, le regard vague et jusque dans l’accent équivoque de leur candidat ; voyant qu’il fallait renoncer à lui faire exprimer dans un langage supportable une idée quelconque, ont imaginé, ce qui ne s’est vu qu’aux temps de corruption et de décadence des empires, de vanter à la nation la plus intelligente du monde cette nullité même. Comme s’ils avaient affaire au peuple des grenouilles, ils nous disent avec un imperturbable aplomb :