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gique outrée de mise en pratique est l’antipode du sens commun.

En dehors de ces protestations plus ou moins notables, le combat réel, la lutte active va s’engager, ou plutôt elle est déjà engagée, avec une grande vivacité, entre le général Cavaignac et M. Louis Bonaparte.

Chacun peut se rappeler sans peine, car l’époque n’en est pas éloignée, l’assentiment universel qui, à la suite des journées de juin, ratifia l’élévation du général Cavaignac. J’ai dit alors[1] par quels motifs les différens partis qui divisent l’Assemblée et le pays, s’accordant sur ce point, trouvaient dans le caractère honorable, dans la réputation sans tache, dans les principes républicains du nouveau président du conseil, et dans la répression victorieuse d’une formidable insurrection, des garanties de diverse nature qui faisaient espérer, si ce n’est une conciliation, du moins une cessation d’hostilité momentanée entre les opinions extrêmes. Les républicains qui avaient pu craindre de voir la réaction monarchique s’emparer du pouvoir étaient rassurés. Les hommes sensés, qui, sans passion pour la République, comprennent qu’elle est aujourd’hui l’arche de salut de la société, s’applaudissaient de la voir conduite par un homme étranger aux factions, décidé à résister à la violence, considéré à l’étranger, et qui, sans posséder ces qualités brillantes dont les naissantes démocraties s’effarouchent, avait donné en maintes circonstances des preuves de jugement solide et de bonne administration. Cette concordance des opinions n’a pas été de longue durée. Bientôt, au sein des difficultés croissantes d’une situation où aucun de ses devanciers n’avait pu échapper au reproche d’inconséquence, le général Cavaignac parut, au gré des partis, faire trop ou trop peu dans un sens ou dans l’autre.

« Il y a quatre choses insatiables, qui ne disent jamais assez, » dit le philosophe d’Israël. Si le grand roi Salomon avait vécu de nos jours, il en eût ajouté une cinquième : la passion politique.

La passion réactionnaire ne se contenta pas longtemps des

  1. Voir la lettre VIII.