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à la faveur desquels ils jouent un rôle interdit, dans les temps réguliers, à la médiocrité de leur intelligence ; et vous vous prêtez, sans le savoir à leurs vues égoïstes par cette absence d’esprit politique que je vous signale comme le plus sérieux obstacle au succès de vos vœux légitimes.

Examinons ensemble la situation morale du pays et vous allez comprendre toute ma pensée.

Sans en rechercher les causes trop longues à énumérer ici, constatons un fait : la société est en proie à l’inquiétude ; elle s’agite, elle s’alarme, se croyant attaquée dans ses deux principes essentiels : la famille et la propriété. La défiance est universelle. Toute innovation est devenue suspecte aux plus hommes de bien, parce qu’ils y soupçonnent un piége. Les mieux disposés, naguères, sont aujourd’hui les plus récalcitrans, les plus résolus à défendre pied à pied l’ordre ancien sans faire aucune concession d’aucune sorte. Je sais combien cette défiance universelle est injuste ; je sais que parmi vous la famille est plus sincèrement, plus religieusement honorée que parmi les grands. Je sais que ceux d’entre vous qui ne possèdent rien considèrent la propriété comme une récompense à laquelle ils aspirent de tous leurs efforts. Le système de la communauté répugne à votre raison et vos instincts, cela est constant ; mais l’erreur qui vous attribue en masse l’extravagance d’une poignée de fanatiques n’en est pas moins accréditée et répandue jusques au fond de nos campagnes.

Le laboureur, en traçant son sillon, s’il voit passer sur la route quelque ouvrier des villes, le suit d’un œil ombrageux ; il se demande si cet inconnu de mine farouche vient déjà le