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drid et retournait en Flandre « l’homme le plus satisfait du monde[1] ». Le roi lui avait promis de venir en personne au milieu de ses fidèles sujets pour entendre leurs plaintes. On l’attendait. Tout à coup, au lieu de roi, on apprend que les inquisiteurs d’Espagne sont en route et que le duc d’Albe vient aux Pays-Bas à la tête d’une armée. L’arrestation du comte d’Egmont, celle du comte de Hoorn, qui suivent de près l’arrivée du duc (9 septembre 1567), l’érection d’un tribunal extraordinaire établi sous le nom de Conseil des troubles et auquel le peuple donne bientôt le nom trop mérité de Conseil de sang (Bloedraad), la retraite de la gouvernante Marguerite, qui avait cherché les voies de la conciliation, ouvrent les yeux aux plus aveugles. On s’épouvante, on fuit, on se précipite hors des frontières. Plus de cent mille personnes abandonnent le foyer, la patrie.

C’est alors, quand tout semble perdu, qu’un homme parait qui, malgré l’éclat de son nom et de sa grandeur propre, a pris à tâche, on pourrait le croire, de se dérober au rôle héroïque où tout l’appelle. Un nouveau Civilis entre en scène. Séparé du premier par quatorze siècles, mais placé dans des conjonctures pareilles, animé d’un même génie ; comme le premier, profond dans l’art de la politique, concentré, habile à tirer parti des revers, mais plus heureux dans l’issue de son en-

  1. Cachard, Correspondance de Philippe II’, t. II, p. 339.