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se sont-ils retirés, qu’on raille autour de Marguerite ces grands seigneurs escortés de populace, ces nobles besoigneux qui se sont endettés pour rivaliser avec la magnificence espagnole. « Que s’alarme-t-on d’un tas de gueux ! » s’écrie le conseiller Berlaimont. Cette injure est le signal et devient le mot d’ordre du soulèvement. Prenant le sarrau gris, la besace et la gourde des mendiants flamands, ces gueux d’un nouveau genre, réunis dans un banquet, boivent à la ronde et dans une écuelle de bois à la délivrance du pays. A la vue de ces symboles pittoresques d’une mendicité volontaire, le peuple crie « Vivent les gueux ! » et se jette aux tumultes.Les gueux des bois secouent leurs torches ; les gueux des mers, réfugiés dans leurs esquifs au fond des baies de la Zéelande, tombent à l’improviste sur les côtes ; ils saccagent les églises, brûlent, mettent en poussière les autels et les images d’un Dieu qui n’est plus à leurs yeux que le Dieu espagnol. Les femmes aussi courent aux armes ; de leurs cris et de leurs exemples elles excitent les combattants. Longtemps encore cependant, les grands, à qui répugnent ces désordres et qui connaissent mieux que le peuple, pour l’avoir vue de plus près, la puissance de Philippe, s’efforcent de prévenir une rupture finale. A diverses reprises ils avaient demandé et ils avaient fini par obtenir le rappel du cardinal Granvelle, qui avait également blessé catholiques et protestants et qu’on accusait de tout le mal. Le comte d’Egmont s’était rendu à Ma-