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en buvant, à la hollandaise, à même la kanne de bière, qu’ils lui présentaient après y avoir bu les premiers et en avoir essuyé l’écume avec la paume de la main. Entendait-il quelque bruit dans l’intérieur d’une maison, il y entrait subitement, s’informait du sujet de la querelle, et, par ses exhortations et son arbitrage, il ne manquait pas de rétablir aussitôt la paix entre le mari et la femme, le père et les enfants : se faisant ainsi, comme la tradition le rapporte de quelques rois restés populaires, le justicier du pauvre.

Ce n’est pas, à coup sûr, le Taciturne qu’il conviendrait d’appeler Guillaume de Nassau, car son âme était exempte de duplicité, de fanatisme, de superstition, de toutes les passions, de toutes les habitudes cauteleuses et hypocrites qui assombrissent le visage et la parole, mais plutôt l'Impénétrable. Il exerça, en effet, plus peut-être qu’aucun homme politique, avec une droiture parfaite d’intentions, l’art suprême de posséder sa pensée, et parvint à la savoir céler dans la soudaine joie comme dans l’extrême affliction. Toutefois, jamais Guillaume ne fit usage de cette dissimulation dans un but égoïste, ou pour aucun dessein qui ne fut avouable à la face du ciel. Jamais, dans ces jours de parjures et de perfidies, ni l’exemple de ses amis ni celui de ses ennemis ne l’entraînèrent dans des voies obliques. Jamais personne ne fut par lui ni corrompu ni trahi ; jamais ce taciturne ne voulut, comme il le dit lui-même, « mêler en son breuvage une seule goutte du venin de