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ble, qui mettait aux prises le fanatisme et la superstition, il osa résister à l’entraînement des instincts populaires. Dans un temps de disputes, il aima la paix ; parmi des hommes grossiers et violents, il garda des goûts tempérés et des habitudes délicates. Aux déclamations forcenées des démagogues et des zélateurs, il opposa le silence ; aux mensonges des grands, la vérité ; à l’inconstance du peuple, une douceur inaltérable. On s’est. formé du prince d’Orange une image bien fausse, d’après le surnom de Taciturne qui lui est resté. Dans la bouche du cardinal Granvelle, qui le premier désigna ainsi son redoutable adversaire, ce mot, détourné avec le temps de son acception primitive, signifiait que Guillaume savait taire ses desseins, et se faisait plus connaître par ses actions que par ses paroles. Jamais d’ailleurs le peuple, qui voulut porter ses couleurs et qui chantait avec amour le refrain du Père Guillaume, ne l’appela de ce nom, qui parait, dans le sens que nous lui donnons aujourd’hui, en contradiction manifeste avec le témoignage de tous les historiens contemporains. Tous, même les plus hostiles à la cause et à la personne du prince d’Orange, célèbrent à l’envi son éloquence, le charme persuasif de sa parole que servaient une mémoire heureuse et le don qu’il possédait à un degré suprême d’entrainer les assemblées. Ni l’aspect, ni les discours, ni les manières du prince d’Orange n’avaient rien de morne. Son abord était facile, sa physionomie ouverte. « Il avait, dit Brantôme, une fort belle façon