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pratiques ; en ces jours mêmes, il allait leur livrer la ville d’Anvers, et venait d’introduire des soldats dans la citadelle qu’il faisait fortifier. Tels étaient les bruits, les accusations que l’on répandait dans le peuple et qui firent tourner en froideur d’abord, puis en méfiance, puis en indignation et en colère cet amour extrême qu’il avait ressenti pour Guillaume, et qu’il venait de lui témoigner, tout à l’heure encore, avec tant d’enthousiasme, lorsqu’il avait cru perdre le père de la patrie.

Un matin que, sur l’ordre des magistrats, quelques ouvriers travaillaient à l’esplanade, une multitude hors de sens, excitée par la faction espagnole, se met à crier : « Trahison ! » elle grossit, s’anime de plus en plus, entoure tumultuairement le château, et demande qu’on lui livre le duc d’Anjou, qu’elle prétend y être caché. Guillaume était seul avec ses domestiques ; à l’approche de cette foule en rumeur, ayant ouï ce qu’elle demandait, il fait ouvrir les portes et la laisse tout à son gré visiter, fouiller le château de fond en comble. Comme on n’y trouve rien de ce qu’on cherchait, la foule se retire avec confusion, mais c’est pour, recommencer peu après. Un jour que le prince d’Orange se plaignait aux états des insolences auxquelles on le laissait exposé, sans prendre aucune mesure pour prévenir les désordres, une émeute se forme autour de l’hôtel de ville, et profère de telles menaces, qu’il lui devient impossible d’en sortir. Blessé de l’inconstance de ce peuple qu’il aimait, indigné de la froideur des magistrats et de leur peu d’égards pour