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mis les noms, Guillaume de Nassau devait, voir se tourner contre lui les colères de ceux qu’il avait sauvés ; il devait entendre à ses derniers pas dans une voie où tant de bénédictions l’avaient suivi, les sinistres clameurs de l’ingratitude populaire. La haine que le peuple avait conçue contre les Français rejaillit sur le prince d’Orange ; il avait conseillé de se fier à eux, il les avait appuyés de son crédit ; après leur crime et leur défaite, son esprit généreux et politique les défendait encore : c’en était assez pour que ses ennemis osassent l’envelopper dans leur disgrâce. Les zélés calvinistes et la faction espagnole se mirent également en devoir, bien qu’en des vues contraires, de décrier Guillaume. La circonstance de son récent mariage avec Louise de Coligny[1], dont les états d’Artois et de Flandre se montraient mécontents, les servit en donnant plus de créance aux soupçons qu’ils semaient dans les imaginations. Le prince d’Orange, disaient-ils, était dévoué, vendu aux intérêts de la France ; il avait laissé faire, il avait favorisé l’entreprise d’Anvers. Aussi longtemps qu’elle avait paru douteuse, il était resté enfermé dans le château ; on l’avait vu sur les remparts, pendant la mêlée, donner l’ordre aux milices d’épargner les Français ; le mauvais succès de la tentative ne l’avait pas rebuté, il continuait avec eux de secrètes

  1. Louise de Châtillon, fille de l’amiral de Coligny, « très-belle, sage et honnête dame, dit Brantôme, veuve de cet honnête homme, M. de Téligny, tué au massacre de la Saint-Barthélemy. » (Vies des Capitaines illustres.)