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la torche à la main, vers l’abbaye de Saint-Michel, où demeure le duc d’Anjou, en proférant d’horribles menaces. Le duc, qui se préparait à sortir pour assister à un tournoi, est saisi d’un trouble extrême[1]. Il envoie en toute hâte supplier le prince d’Orange de l’arracher à ces furieux. Guillaume fait un effort, et trace d’une main faible quelques lignes qu’il fait porter par Sainte-Aldegonde au bourgmestre et au commandant de la milice pour leur dire que l’assassin est connu, que les Espagnols, et non les Français, ont commis le crime. A la voix du magistrat, et surtout à la nouvelle que le prince d’Orange existe, le peuple s’apaise. L’orage se détourne de l’abbaye de Saint-Michel et va fondre sur la maison d’Anastro ; mais celui-ci n’a pas attendu l’événement et s’est dérobé par la fuite.

Cependant, la blessure de Guillaume, qui n’avait pas d’abord été jugée mortelle et qui s’était cicatrisée promptement, se rouvrit. Persuadé de sa fin prochaine, Guillaume se préparait à la mort. Oubliant ses vives souffrances pour ne songer qu’à la patrie, il exhortait tous ceux qui l’approchaient à ne pas rompre avec la France ; il leur recommandait la fidélité à leur serment, l’obéissance au duc d’Anjou, « prince débonnaire, disait-il, et le plus propre à les protéger. » Il veillait à la sûreté du duc. Son âme, prête à paraître devant

  1. Il avoua plus tard « que de sa vie il ne fut plus dévot qu’en ce moment, croyant sa dernière heure venue. » ( Le Petit, Grande Chronique des Pays-Bas.)