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reraient le roi d’Espagne, et qu’ils prêteraient serment de fidélité au duc de Brabant.

Les réjouissances commencées le jour de la joyeuse entrée continuaient à l’envi dans Anvers ; tous les cœurs étaient à la joie, à l’espérance, lorsqu’un coup inopiné vint jeter l’alarme, et réveilla brusquement les appréhensions, les méfiances qui s’étaient un moment étourdies dans l’ivresse des festins, des danses, des spectacles : le prince d’Orange fut assassiné.

L’édit de proscription de Philippe avait produit son effet[1]. La cupidité et le fanatisme s’armaient dans l’ombre. Assurés de l’impunité, alléchés par la promesse des faveurs royales, des meurtriers rôdaient, épiant l’occasion, la main sur le poignard, le pistolet caché dans la ceinture. Un homme de la Biscaye, Juan Jaureguy[2], caractère hardi, esprit crédule, les devança tous, et le premier se laissa pousser à l’exécution. Ce jeune homme, âgé de vingt-trois ans, était commis dans la maison d’un banquier espagnol établi à Anvers, nommé Anastro, dont les affaires depuis quelque temps allaient mal, et qui se voyait sur le point de faire banqueroute. Un compatriote d’Anastro, Jean d’Isuncha,

  1. Ce ban ou édit de proscription, publié le 15 mars 1580, promettait à celui qui ôterait la vie au prince d’Orange une récompense de vingt-cinq mille écus d’or, outre des lettres d’anoblissement si l’assassin était roturier. (Gachard, Correspondance de Guillaume le Taciturne.)
  2. Le nom de Jaureguy se trouve fréquemment dans la Biscaye ; le chef de guérillas qui se rendit fameux pendant la guerre de l’indépendance dans les sierras de Guipuscoa, sous le nom d’El Pastor, s’appelait Gaspard Jaureguy.