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HISTOIRE

tude est vive dans le peuple, au sujet de la garnison des forts. Lyon est en ce moment occupé par 8,000 hommes de troupe de ligne, sous le commandement d’officiers supérieurs que l’on sait très-mal disposés. Le général Perrot, qui commande en chef, en l’absence du général de Lascours, a refusé, dit-on, de faire acte d’adhésion à la République ; il a donné l’ordre de concentrer la troupe dans la presqu’île de Perrache.

Bien que cet ordre ne soit pas mis à exécution, il suffit pour causer une fermentation extrême. Le peuple afflue à l’Hôtel de Ville pour y prendre des fusils ; il exige à grands cris qu’on lui remette les forts ; il menace de brûler les machines et de chasser les communautés religieuses. On ne parvient à le modérer un peu qu’en lui annonçant la prochaine arrivée du commissaire du gouvernement provisoire et en organisant sur l’heure un comité de subsistance, qui délivre des bons de pain à tous les malheureux que la brusque cessation du travail laisse sans ressource. Mais cet apaisement momentané est suivi d’un redoublement de fièvre populaire, et quand M. Emmanuel Arago arrive à Lyon, la ville est en proie à toute l’exaltation des passions révolutionnaires.

M. Emmanuel Arago, avocat, fils aîné de M. François Arago, membre du gouvernement provisoire, était envoyé à Lyon en quelque sorte malgré le ministre de l’intérieur, qui lui croyait trop peu d’expérience et d’autorité pour occuper un poste aussi périlleux.

Sur aucun point de la France, en effet, la tempête révolutionnaire n’est plus violemment déchaînée. La noblesse et la haute bourgeoisie, saisies d’effroi, émigrent en toute hâte ; les ateliers sont fermés ; les bruits les plus sinistres se répandent et portent partout la terreur. Le gouvernement, assure-t-on, a promis aux ouvriers cinq millions et deux heures de pillage. La vérité est que les prolétaires sont maîtres des forts. Ils ont trouvé dans les casernes de Saint-Laurent et des Bernardines des armes et des muni-