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HISTOIRE

révolution politique, les départements du Rhin virent s’accomplir sans trouble le changement de l’administration. Les comptoirs d’escompte suffirent à parer aux difficultés de la crise financière ; le parti républicain avancé sut ajourner ses prétentions et seconda l’action conciliante de M. Lichtenberger. Les partis royalistes étaient sans influence dans le pays ; les élections y furent, malgré les intrigues du clergé catholique, l’expression modérée, mais sincère de l’opinion républicaine.

Un spectacle bien différent nous attend dans le département du Rhône.

Lyon, la seconde ville de France par sa force de production, la première peut-être par son énergie, moins spontané que Paris, moins prompt aux révolutions politiques, est le centre véritable, le foyer toujours incandescent de la guerre sociale. L’antique cité d’Auguste est aujourd’hui la capitale du prolétariat. Sur un sol qui présente des traces visibles d’immenses bouleversements, au-dessus des cryptes et des catacombes qu’arrosa le sang des premiers chrétiens, et qui, d’âge en âge, ont enfoui pêle-mêle les ossements des martyrs de toutes les croyances, s’élève sous un ciel pluvieux, enveloppée de brumes épaisses, une ville dont la richesse assombrit l’imagination, que l’on dirait maudite dans sa prospérité, où s’observent, se mesurent, se menacent incessamment, en silence, des haines invétérées.

À partir de ces premiers métiers pour le tissage de la soie, qui, sous le règne de Louis XI, furent le commencement modeste de l’industrie lyonnaise, jusqu’au dix-huitième siècle, où la fabrique organisée occupait 50,000 ouvriers, on peut suivre, dans la ville de Lyon, un progrès constant de la production et du commerce, malgré la révocation de l’édit de Nantes qui lui porta un rude coup, malgré des impôts très-onéreux, très-mal répartis, malgré de fréquentes séditions d’ouvriers provoquées par des règlements injustes[1]. En 1744, les ouvriers, réduits par ces

  1. En 1667, on comptait déjà dans la fabrique de Lyon 8,000 compa-