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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

la force de l’attaque, les chances de la résistance. Aux deux côtés de M. Dupont (de l’Eure), qui était assis dans un fauteuil adossé à la muraille, les membres du gouvernement provisoire se tenaient debout : à droite, MM. Arago, Louis Blanc, Albert, Ledru-Rollin ; à gauche, MM. de Lamartine, Marrast, Crémieux, Marie, Garnier-Pagès.

Dans le groupe des clubistes, on remarquait MM. Barbès, Cabet, Sobrier, Huber et M. Blanqui qu’entouraient plusieurs de ses hommes les plus intrépides, entre autres MM. Flotte et Lacambre, « figures inconnues, a dit M. Louis Blanc, et dont l’expression avait quelque chose de sinistre[1]. » Un ouvrier nommé Gérard, s’avançant vers Dupont (de l’Eure), lut une pétition qui, au nom du peuple de Paris, réclamait l’éloignement des troupes, l’ajournement des élections de la garde nationale et celles de l’Assemblée. À peine l’ouvrier avait-il achevé sa lecture que M. Blanqui prit la parole. Il ne fit autre chose que répéter à peu près les demandes formulées dans la pétition ; mais le ton et le geste dont il accompagnait sa requête tenaient plus de la menace que de la prière ; il ajouta, d’ailleurs, à ce que l’ouvrier venait de dire, la sommation au gouvernement provisoire de délibérer séance tenante et de rendre aux délégués du peuple une réponse immédiate. M. Louis Blanc, surpris de tant d’audace et la croyant sans doute appuyée sur une force dont il n’avait pas le secret, appréhenda tout d’un coup de voir passer en d’autres mains que les siennes la conduite du mouvement populaire. Un regard échangé avec M. Barbès ne lui laissa plus de doute. Si le gouvernement cédait aux injonctions des clubs, Blanqui, leur ennemi commun, en remportait l’honneur et l’avantage. Si Blanqui sortait de l’Hôtel de Ville triomphant, à lui la révolution, à lui le peuple : où les conduirait-il ?

Dans une pareille conjoncture, il ne restait plus à M. Louis Blanc d’autre parti à prendre que de faire cause commune

  1. Voir Pages d’histoire, {pg|90}}.