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HISTOIRE

ni de M. Marie, ni de M. Garnier-Pagès. La plus grave accusation qui se fût encore produite contre M. de Lamartine, c’était d’être un peu faible et de se laisser tromper par les royalistes. Il ne s’agissait donc véritablement, dans l’esprit du peuple, que de donner confiance au gouvernement et de l’engager à persévérer dans le bien[1]. Les principaux chefs de clubs, qui portaient dans ce projet de manifestation populaire une vue plus politique et voulaient, en arrachant à la majorité du conseil l’ajournement des élections et l’éloignement de l’armée, raffermir dans le gouvernement l’autorité de la minorité révolutionnaire, étaient loin cependant de se prêter à la trahison préméditée par quelques factieux. Aucun d’eux ne voulait renverser M. de Lamartine. M. Cabet, qui eut, le 16 au soir et dans la matinée du 17, des entretiens avec lui, s’employa, avec beaucoup de zèle et d’habileté, à modérer ces hommes et à les mettre en garde contre les suggestions des agents de M. Blanqui ; M. Sobrier, qui mieux que d’autres connaissait le plan des conspirateurs, promettait d’y avoir l’œil. Ce plan, d’ailleurs, pas plus que le complot du 25 février, évanoui au souffle même de celui qui l’avait conçu, ne reposait sur rien de solide. Crier bien haut à la trahison du gouvernement provisoire, dire tout bas qu’on était en force pour s’emparer de l’Hôtel de Ville, glisser dans l’oreille de quelques-uns que Blanqui méritait seul la confiance des révolutionnaires, c’était toute la tactique des conspirateurs, et cette tactique, qui pouvait amener un tumulte passager, était absolument impuissante à remuer la grande masse du peuple. M. Blanqui lui-même, dans la dernière conférence qu’il eut à une heure du matin avec les conjurés, n’osa pas

  1. Qu’il me soit permis de rappeler ici un propos naïf entendu le 17, dans un groupe populaire, au moment où le gouvernement parut sur l’estrade de l’Hôtel de Ville, et qui peint admirablement le sentiment le plus général dont la masse était animée : « Quel malheur qu’il y en ait un qui soit un peu vieux, disait un ouvrier, en regardant Dupont (de l’Eure), les autres en ont bien pour vingt ans encore à faire notre bonheur et à nous défendre contre l’étranger. »