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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

entourage intime et les ambitieux subalternes qui voulaient par lui soumettre la France à leur bon plaisir, il prêtait l’oreille à leurs suggestions et ne repoussait plus que d’un accent bien faible les projets de complots qui se tramaient entre eux pour l’investir de la dictature. Pendant ce temps, la garde nationale s’excitait de plus en plus contre lui, et n’osant encore élever la voix contre le gouvernement provisoire tout entier, elle affectait d’isoler le ministre de l’intérieur et le rendait seul responsable de toutes les mesures révolutionnaires.

On était dans ces dispositions réciproques, quand, le 15 mars, la veille même du jour annoncé pour la grande protestation des compagnies d’élite, quelques délégués de la garde nationale de la banlieue vinrent à l’Hôtel de Ville. Ayant été introduits auprès de M. de Lamartine, que l’on espérait pousser à une rupture avec M. Ledru-Rollin, ces délégués se plaignirent amèrement à lui du décret du 14 mars, et lui firent entendre qu’ils comptaient sur son intervention dans le conseil pour obtenir la réparation qui leur était due. Le même soir, une députation du club de la garde nationale, ayant à sa tête un riche bourgeois d’opinion légitimiste, M. de Lépine, renouvela les mêmes plaintes à M. de Lamartine et lui peignit avec plus d’insistance encore le mécontentement général soulevé dans la bourgeoisie parisienne par les circulaires de M. Ledru-Rollin. M. de Lépine n’omit rien de ce qui pouvait, selon lui, faire impression sur l’esprit de M. de Lamartine, et termina son discours en l’interpellant sur sa politique particulière et sur la part de responsabilité qu’il lui convenait d’assumer dans les actes du ministre de l’intérieur.

Il y avait, dans ces démarches de la garde nationale auprès de M. de Lamartine, une insinuation très-directe et en quelque sorte une sommation de se détacher de la partie révolutionnaire du gouvernement provisoire et de prendre, au nom des classes bourgeoises et de l’opinion conservatrice, le gouvernement des affaires. Mais M. de Lamartine,