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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

le général Cavaignac devait encore remporter sur ses adversaires un triomphe inattendu, couvrir de confusion ses calomniateurs et faire briller aux yeux du pays, avec un éclat nouveau, son honneur et sa fierté vengés.

Quatre de ses anciens collègues à la commission exécutive, MM. Garnier-Pagès, Duclerc, Barthélemy Saint-Hilaire et Pagnerre, poussés par un médiocre esprit de rancune, et aussi, assure-t-on, par les excitations de la droite[1], avaient répandu un récit des journées de juin plein d’allégations inexactes et dans lequel ils cherchaient à établir que le général avait trahi la commission exécutive, ourdi contre elle un complot parlementaire et favorisé l’insurrection dans un dessein odieux.

Le chef du pouvoir exécutif ressentit jusqu’au plus profond de son âme l’iniquité d’une imputation pareille. Comme il n’avait plus affaire à des calomniateurs vulgaires, mais à un homme tel que M. Garnier-Pagès, dont la réputation de loyauté était incontestée ; comme on attaquait l’acte essentiel qui, bien ou mal compris et jugé, devait laisser sur sa vie un sceau suprême, il provoqua un débat public et voulut que l’Assemblée prononçât entre lui et ses adversaires. Le 25 novembre, après que M. Barthélemy Saint-Hilaire eut fait devant l’Assemblée la lecture du long récit en forme d’accusation sous lequel on croyait accabler le général Cavaignac, il monta à la tribune. Jamais on ne l’avait vu plus ému ; mais son émotion, dominée par la fierté, loin de trahir l’expression de sa pensée, lui donna une puissance extraordinaire. Il occupa la tribune pendant quatre heures sans lasser un moment l’attention de l’Assemblée, dont il reconquérait, à mesure qu’il parlait, toutes les sympathies. Passant de l’émotion à l’ironie, de l’ironie à une précision mathématique, toujours vrai, simple, fier, toujours convaincant, le général Cavaignac écrasa ses enne-

  1. On cite, entre autres, MM. Thiers et de Maleville comme ayant poussé à cette attaque. On s’était flatté d’y entraîner M. de Lamartine, mais la noblesse de son esprit déjoua cette perfidie.