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HISTOIRE

éloquente. Un vote hostile de l’Assemblée vint brusquement mettre fin aux irrésolutions du général Cavaignac. Le gouvernement qui recevait de tous côtés des renseignements fâcheux sur la disposition du peuple des campagnes, sur les menées royalistes et sur les progrès rapides du parti napoléonien, proposait d’envoyer dans les départements un certain nombre de représentants, choisis par l’Assemblée, avec mission d’éclairer l’opinion et de déjouer les manœuvres électorales des ennemis de la République. À l’instigation de M. de Falloux, qui rappela en cette circonstance les commissaires de M. Ledru-Rollin, l’Assemblée rejeta la proposition du ministère et mit ainsi le chef du pouvoir exécutif dans la nécessité absolue de changer son cabinet. Il le fit à contre-cœur et laissa paraître son déplaisir. Commencée le 12 octobre par la démission en masse du ministère et la levée de l’état de siége, la crise ministérielle ne se termina que le 24 par la démission de M. Goudchaux et par la formation définitive d’un cabinet mixte où entrèrent MM. Dufaure, Vivien, Freslon, et dans lequel restèrent, comme une dernière satisfaction donnée à l’opinion républicaine, MM. Thouret, Bastide et Marie.

Cette concession, très-importante si on l’envisage au point de vue purement théorique, fut absolument nulle dans ses résultats. Charger M. Dufaure de diriger les affaires de la République, c’était, en apparence, reculer au delà de la révolution du 24 février, au delà du ministère Odilon Barrot, au delà même du mouvement réformiste de l’année 1847. Membre de ce qu’on appelait dans les anciennes Chambres le tiers parti, entré dans le cabinet du 12 mai 1839, M. Dufaure n’avait jamais fait au gouvernement de Louis-Philippe qu’une opposition, non de principes, mais de détails et de circonstances, et tout récemment il avait professé ses opinions dynastiques en s’abstenant de paraître au banquet de Saintes, parce qu’on avait refusé d’y porter le toast : Au roi ! Il n’était pas sur-