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HISTOIRE

néral Cavaignac se trouva réduit à l’impuissance. Il laissa succomber Milan, périr Venise ; il abandonna Charles-Albert ; et le jour où il montra enfin quelque volonté, ce fut pour tendre au pape Pie IX, chassé de ses États, une main que celui-ci ne daigna pas même prendre.

Nous avons vu que Pie IX, poussé par les cardinaux à rompre l’alliance piémontaise et à se retirer de la ligue nationale, avait mis à la tête de son gouvernement le comte Rossi (14 septembre). Cette nomination avait causé dans le parti démocratique et dans la population qui regrettait le comte Mamiani une irritation extrême. Le 15 novembre, jour de l’ouverture de l’assemblée, comme le nouveau ministre descendait de voiture et traversait le vestibule du palais de la chancellerie, il fut entouré, séparé de sa suite par un groupe d’hommes inconnus, frappé à mort d’un coup de stylet.

Le parti des cardinaux et le parti populaire se renvoyèrent l’accusation de cet acte odieux, mais tout le monde en parut complice par l’indifférence avec laquelle on l’apprit et par la négligence qui fut mise à en poursuivre les auteurs. La Chambre n’interrompit même pas la lecture de son procès-verbal et ne fit pas la moindre mention de l’événement pendant la séance ; le peuple fit disparaître l’assassin et célébra l’assassinat par des promenades aux flambeaux ; la police refusa de prendre aucune mesure contre les démonstrations populaires ; la garde nationale, enfin, et les soldats fraternisèrent avec le peuple.

Le lendemain, une députation de l’assemblée et de la garde nationale, suivie d’une foule nombreuse, vint demander au pape un ministère libéral et le retour du comte Mamiani. Pie IX, entouré de ses cardinaux et de la plupart des membres du corps diplomatique, refusa d’abord de prendre un engagement explicite. Pendant les longues négociations qui s’entamèrent à ce sujet au Quirinal, le peuple et la garde nationale, accourus en masse autour du palais, le cernèrent et menacèrent d’en faire l’assaut. Les Suisses,