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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

reviennent sous les remparts de la ville dont ils recommencent le bombardement. L’incendie s’allume sur vingt-six points à la fois, les murailles s’écroulent, les portes sont prises d’assaut. Jellachich entre triomphant dans Vienne, à la tête de ses Croates ; tout est mis au sac et au pillage. Le gouvernement ferme les yeux et laisse commettre, dans la capitale de l’Empire, des actes d’une férocité barbare. Il viole lui-même le droit des gens, en faisant fusiller Robert Blum, sujet saxon, envoyé de la diète germanique, qui, se fiant à son caractère inviolable, a refusé de fuir avec ses collègues. On ne connaît plus à Vienne d’autre droit que le droit de vengeance.

Un mois après ce triste triomphe, la camarilla faisait signer à Ferdinand son abdication et plaçait la couronne d’Autriche, encore trempée de sang, sur le front du jeune archiduc François-Joseph, fils de l’archiduchesse Sophie.

Le parlement de Francfort proteste, à la vérité, contre la mort de Robert Blum, mais timidement et comme un pouvoir abandonné de l’opinion. Bientôt la majorité et la minorité, que l’insurrection de septembre avait rendues irréconciliables, se séparent et tentent de constituer, l’une à Gotha, l’autre à Stuttgardt, deux assemblées nationales.

Une pareille tentative ne pouvait manquer d’avorter. La réaction, devenue toute-puissante par la prise de Vienne, emporte les constitutionnels et les radicaux dans son courant rapide. La réunion de Stuttgardt est dispersée par les baïonnettes. Celle de Gotha renonce à continuer ses délibérations, devenues dérisoires. Avec elles disparaissent les derniers vestiges du pouvoir central et de l’unité germanique.

Pendant que ces déplorables événements s’accomplissaient en Autriche, la démocratie prussienne a subi des phases analogues. À la révolution succède la réaction ; à l’exaltation de la liberté la honte d’une oppression devenue plus pesante et plus arbitraire.

Depuis le 21 mars, jour où Frédéric-Guillaume a pris les