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HISTOIRE

tout d’abord contre ce qu’il appelait l’oppression des magyars. Par de nombreux émissaires que secondait, quoique dans des vues opposées, la propagande russe du parti panslaviste[1], il souffla partout l’esprit de discorde ; il s’assura, au moyen de faveurs et de promesses de tout genre, un soldat croate, distingué parmi les siens par sa haine contre les Hongrois, par son zèle pour le panslavisme, par son intelligence, son activité et quelques talents militaires, le colonel Jellachich. Mandé à Vienne par le baron de Kulmer, qui l’avait désigné à la cour comme très-capable de jouer un rôle, il s’était vu en moins de huit jours promu au grade de feld-maréchal lieutenant, nommé commandeur de plusieurs ordres et enfin administrateur civil et militaire de la Croatie, avec le titre de ban. Le comte de Fickelmont, l’archiduc Louis et l’archiduchesse Sophie avaient noué avec lui des négociations secrètes. Fort des promesses qui lui étaient faites par de si grands personnages, Jellachich se hâta de convoquer à Agram une diète croate-esclavonne, dont le premier acte fut d’annuler toutes les décisions de la diète de Hongrie. On y brûla en effigie l’archiduc palatin et le premier ministre Batthiànyi ; puis, après avoir conclu une alliance offensive et défensive avec le comité central des Serbes réunis à Carlowitz, qui de son côté décidait de faire de la Serbie une voïvodie indépendante, on fit serment de ne pas remettre l’épée au fourreau avant d’avoir abattu la domination des magyars. Sur ces entrefaites, Jellachich levait de nombreuses troupes et s’apprêtait à entrer en campagne.

À ces nouvelles, l’archiduc palatin, vice-roi de Hongrie, court à Inspruck ; il obtient de l’empereur un manifeste dans lequel le ban Jellachich est déclaré traître à la patrie, destitué de toutes ses fonctions et mandé à la cour afin d’y expliquer sa conduite ; puis l’archiduc, avec l’assenti-

  1. Ce parti prêchait partout l’unité d’un empire slave, sous le protectorat du grand czar moscovite, qui devait abattre la domination des allemands et des magyars.