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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

de l’article 6 de la loi du 10 avril 1832, relatif au bannissement de la famille Bonaparte, l’Assemblée laissait paraître des craintes sérieuses qui se dérobaient mal sous l’ostentation de son dédain. Dans la discussion sur le pouvoir exécutif, ces craintes avaient inspiré tous les orateurs qui s’étaient élevés contre la présidence ; on avait parlé, pour la première fois, de prétendant, d’usurpation et de dictature. Plusieurs républicains, malheureusement très-impopulaires, avaient tenté de provoquer des mesures exceptionnelles de précaution contre la famille Bonaparte. M. Anthony Thouret, par exemple, proposait qu’on déclarât inaptes à l’élection tous les membres des familles qui avaient régné sur la France ; plus tard, M. Molé, qui favorisait ouvertement la candidature du général Cavaignac ; demandait, dans une même pensée de défiance, qu’on ajournât l’élection jusqu’après le vote des lois organiques ; mais l’Assemblée ne se sentait plus l’énergie nécessaire pour entreprendre aucune lutte. Le général Cavaignac[1], d’ailleurs, loin de l’y encourager, repoussait toutes les avances qui lui étaient faites ; il semblait, par son inaction complète, vouloir laisser le champ libre à son rival. Depuis trois mois, les arrêts des conseils de guerre et le départ des convois de colons pour l’Algérie[2] sont à peu

  1. « Le général Cavaignac a sauvé la nation qui ne pourra jamais l’oublier. » disait M. Molé à la tribune, le 26 octobre.
  2. Voici le relevé exact des arrestations et des condamnations faites à la suite de l’insurrection de juin : 11,057 individus sont arrêtés pendant et après l’insurrection. Une instruction spéciale confiée à des commissions militaires, partage en deux catégories les inculpés : 1o les auteurs, fauteurs ou instigateurs de la révolte qui sont envoyés devant les conseils de guerre ; 2o ceux qui ont simplement mis les armes à la main. Après cet examen, 6,600 prisonniers sont immédiatement rendus à la liberté ; 4,348, désignés pour la transportation, sont conduits dans les ports. Sur des réclamations nombreuses, de nouvelles commissions, formées de magistrats, opèrent une révision complète de ces premières dispositions et désignent 991 condamnés à la clémence du gouvernement. Aucune transportation n’a été effectuée. (Moniteur, 26 octobre 1848.)

    Bien que l’esprit des conseils de guerre fût de beaucoup meilleur et