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HISTOIRE

le parti clérical et légitimiste, et, sans se prononcer personnellement contre le général Cavaignac, il le faisait attaquer par le Constitutionnel dont la rédaction était alors entre ses mains. Les prétentions de M. Thiers n’étaient cependant pas assez généralement reconnues dans le parti de l’ordre pour qu’il ne se présentât pas d’autres candidats. Plusieurs, jugeant utile d’opposer à la candidature du général Cavaignac celle d’un autre chef militaire, mettaient en avant le nom du maréchal Bugeaud. Quelques-uns préféraient le général Changarnier, qui, par le commandement en chef de la garde nationale, exerçait dans Paris une certaine action. Le général se prêtait volontiers aux illusions de ses amis. Très-dépité, à son retour de l’Afrique, de voir les honneurs et le pouvoir aux mains de ses anciens rivaux et de n’être plus pour le public, en présence des hommes qui avaient triomphé de l’insurrection de juin, que le héros du 16 avril, il usait de tout son esprit pour les rabaisser dans l’opinion, les voyait avec plaisir perdre chaque jour de leur prestige et se préparait à profiter de leur disgrâce. Une fois maître du pouvoir, qu’en ferait-il ? Ramènerait-il Henri V, comme le prétendaient les légitimistes ? Resterait-il président constitutionnel, ou bien aspirerait-il à la dictature ? Son attitude autorisait toutes ces suppositions ; son silence n’en repoussait aucune.

Mais toutes ces espérances diverses du parti de l’ordre s’évanouirent ensemble le jour où l’Assemblée décida l’élection par le peuple. Le suffrage universel, c’était le triomphe de la démocratie pure ; dès lors tous les candidats des partis dynastiques étaient mis hors de cause. Quatre noms seulement pouvaient encore être prononcés : les noms de MM. de Lamartine, Ledru-Rollin, Cavaignac et Bonaparte. Les amis de M. de Lamartine espéraient qu’une combinaison favorable des opinions modérées de la révolution et des politiques prudents de la réaction s’arrêterait à lui et voudrait lui confier, une fois encore, le soin d’établir sur des principes conservateurs la république des